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E S P A C E    A U T R E
Rencontre - Galerie Métavilla 6 Janvier 2022

« Le paysage est un phénomène de mise en espace d’une histoire singulière. Dans cet espace toutes les échelles du temps passé se manifestent spatialement au présent, du passé géologique le plus reculé aux évènement les plus actuels »

Ethique de l’écoumène,Augustin Berque.

Évoquer le paysage aujourd’hui c’est parler de perceptions individuelles, de représentations collectives, de nature, de sociétés, de contemplation esthétique, de maîtrise du territoire, de psychologie et de politique.

Étudier le paysage c’est faire preuve d’un certain sens de l’observation pour en tirer une meilleure représentation ou représentativité.
Chacun d’entre nous faisons et défaisons les paysages.
Dans tout paysage il y a plusieurs couches sémantiques qui se superposent et que les artistes savent faire ressurgir : l’origine et l’identité profonde des choses. Les artistes permettent de faire remonter ces images archaïques , celles de l’enfance de l’homme ou de l’humanité.Le paysage avant d’être une réalité esthétique est d’abord une construction humaine, une réalité partagée.

C’est cette réalité partagée qui a contribué au développement dans ma pratique, de l’oeuvre in situ conçu pour un lieu spécifique tel un paysage ou un jardin. Il s’agit d’élaborer un dialogue , des connexions inédites, inattendues en travaillant sur l’histoire de l’ environnement choisi, les usagers du lieu , les habitants et les visiteurs par une proposition sensible et ouverte qui ne s’érige plus comme un élément imposé , posé là mais une proposition , une invitation ou un partage.

L’oeuvre in situ, installation ou environnement , si elle ne vit ,avant tout , que par et pour l’espace dans laquelle elle est contenue, peut néanmoins avoir sa propre existence et devenir « exportable » ailleurs vers un « non site » comme le définissait Robert Smithson. L’un n’empêche pas l’autre et n’enlève rien à la spécificité de la proposition. Quand au lieu , l’espace paysagé par l’homme qu’il soit vaste ou infini, ou limité et clos il offre les mêmes possibilités pour l’artiste qui sait faire remonter des profondeurs les traces mémorielles , l’histoire personnelle et l’histoire commune dans une oeuvre inédite s’adressant à tous. Abolir les frontières, faire disparaitre les limites imposées, s’affranchir des règles qui régissent l’espace privé pour offrir à tous une toute autre vision du monde à la fois plus intime et plus commune à tous.

Le jardin de toute origine se veut avant tout un espace clos, ou du moins circonscrit, dans lequel la main de l’homme fait se rencontrer le monde naturel, voir sauvage et la civilisation. En milieu urbain cet assertion est encore plus vraie car en faisant entrer la nature dans un espace culturel éloigné du monde rural l’homme orchestre une rencontre inopinée voir improbable.

A travers le parcours des jardins, l’espace paysagé est investi d’une manière autre et singulière .
D’habitude hermétique à tout ce qui se trouve à l’extérieur , l’espace du jardin ouvert d’une part à l’artiste, d’autre part  à un public élargi, se mue en un«autre espace», totalement ou partiellement différent, une sorte d’hétéroptopie dont Michel Foucault nommerait « absolument différent » qu’ils soient initiatiques, transgressifs ou stimulants. Un espace autre dont on se saisit, avec la possibilité d’une appropriation, certes jamais définitive, parce que propre à chacun, mais évolutive et déclinable aussi loin que peuvent aller l’imagination et la sensibilité. S’approprier n’est ici pas à comprendre dans le sens de posséder définitivement mais temporairement dans l’espace temps pour peut-être le garder en mémoire de manière pérenne . Un trésors dans lequel on peut puiser pour réactiver des sensations , des réminiscences primitives dont chaque être humain garde en lui secrètement ; le désir d’avoir un lieu qui prenne tel sens par moi et pour moi, c’est ainsi l’habiter à la manière d’un résident qui reste de passage et peut revisiter ce qu’il habite. En décloisonnant l’espace privé de l’espace public et en proposant une oeuvre in situ , l’artiste rend possible ce qui ne peut l’être ailleurs , fait cohabiter des réalités parfois incompatibles ou ayant des sens complètement différents , et donne la possibilité de penser autrement.

Karinka Szabo-Detchart

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